Convaincre ou persuader : attention au COMMENT le storytelling raconte…

On peut avoir la meilleure histoire du monde et la ruiner par la manière de la raconter.
Aujourd’hui nous voyons COMMENT on peut se planter en quelques mots.

Faut-il convaincre ou persuader les gens d’acheter, d’adhérer à votre propos, de s’inscrire à un programme, de partager vos produits, de faire votre promotion ?
Et quels sont les risques associés à l’une et l’autre des méthodes ?
C’est ce que nous allons voir aujourd’hui.

Convaincre ou persuader : c’est quoi la principale différence entre les deux ?

Souvent on entend dire que convaincre serait le travail de la communication tandis que persuader serait celui du marketing.
Qu’en est-il réellement ?

Convaincre et persuader sont deux méthodes, parfaitement recevables, d’argumentation.
Le but recherché est le même, on veut faire en sorte que l’autre soit d’accord avec nous, adhère à notre discours.
C’est le procédé pour y parvenir qui diffère.
Convaincre repose sur des arguments qui font appel à la raison là où persuader passe par l’émotionnel.

C’est à cause de cette différence que l’on considère, tout à fait à tort, on y reviendra, que la conviction est l’apanage de la communication, à travers un rôle d’éducation et que la persuasion relève du marketing et de la manipulation des foules (je vous renvoie à l’excellent Propaganda pour comprendre les problèmes de fond du marketing).

Le problème de cette formulation est double : d’abord on sous-entend que “juste” éduquer quasi scientifiquement suffirait à vendre et si c’était le cas, les fiches produits suffiraient quel que soit le sujet, ensuite ça sous-entend que dès que l’on fait appel à l’émotionnel alors on tombe dans le marketing et la manipulation.
C’est une double essentialisation des méthodes, biaisée et extrêmement dangereuse dans ses raccourcis.

Mais admettons qu’on joue le jeu.
Que se passerait-il si vraiment on choisissait une méthode en excluant totalement l’autre ?

Convaincre et seulement convaincre, ou l’art de verser involontairement dans la condescendance.

Décidons ensemble qu’aujourd’hui je vais changer mon ordinateur de bureau.
Et pour l’exemple, décidons que je n’ai aucune expertise dans le domaine
(on ne va pas se cacher, perçu.e femme de toute façon dans 80% des cas, la personne au rayon High Tech partira de ce principe).

Je lui expose mon besoin et cette personne va me répondre uniquement à travers des arguments faisant appel à la raison.

Le premier défaut de son discours -et je pense que beaucoup d’indépendant.e.s commettent cette erreur- va être de partir dans des termes trop techniques.
D’ailleurs, dans l’univers entrepreneurial, il n’est pas rare d’entendre dire que l’on est soit bon en vente, soit bon en technique mais rarement les deux à la fois.
Evidemment c’est un cliché (la preuve, ici on apprend à raconter des histoires pour vendre, qu’on soit tech ou pas) mais il a un fond de vérité, logique en fait, quand on s’y connaît sur un plan technique et qu’on veut vendre, on parle de ce que l’on connaît et on baragouine du jargon.

Sauf que tout le monde n’a pas un parcours info, ni même l’envie d’y piger quelque chose.
Quand je vais acheter un mixeur, je ne m’attends pas à ce qu’on m’explique pourquoi j’ai besoin de la version 350 ou 600 watts, je veux savoir ce que je peux faire (ou pas) avec.
Quand je vais acheter un ordinateur, pourquoi subitement les gens se sentent obligés de vous expliquer que le processeur est quadricore alors que ça, justement, ça serait un discours adapté à quelqu’un qui s’y connaît ?

L’histoire prête à sourire parce que si vous avez déjà acheté un ordinateur en boutique, vous l’avez peut-être vécue et je parie que ce n’est pas là que vous l’avez acheté au final.
A mon avis, vous avez préféré le magasin où la personne vous a vendu la vision de vous, à votre bureau avec un ordinateur qui s’allume vite, vous permet de traiter des photos et vidéos sans lenteur et peut-être même de jouer à divers jeux (vous ou vos enfants ou petits-enfants) dans les meilleures conditions, ou pouvoir passer des appels via Skype ou Zoom en bonne qualité.

Ce discours là fonctionne mieux parce qu’il vous permet de vous projeter, vous pouvez fermer les yeux et constater que c’est plaisant… vous pouvez ressentir l’émotion.
Cela marche parce qu’en plus de savoir pourquoi techniquement la machine est faite pour vous, vous avez le comment et surtout le comment ça va se traduire en terme de satisfaction.

Mais si vraiment vous n’y connaissez rien, est-ce qu’on ne gagnerait pas du temps à esquiver la partie conviction pour ne garder que la persuasion ?
Rien n’est moins sûr !

Persuader et seulement persuader, ou comment se présenter malgré soi comme une possible arnaque.

Pour bien faire, je vais vous donner un exemple concret, sur la base d’une biographie (légèrement modifiée pour y inclure des éléments des discours servis sur d’autres médias) ayant valeur de storytelling sur le site de la personne.

Je suis un homme normal, au don extraordinaire.
Je n’ai pas eu une enfance comme les autres.
Très jeune, je ressentais la présence de visiteurs dans ma chambre.
Mais il m’a fallu du temps pour comprendre d’où venaient ces sensations étranges et cette sensibilité.​

Adolescent, j’ai commencé à m’intéresser secrètement à tout ce qui touche à l’ésotérisme.​
J’allais spontanément délivrer des messages à des camarades de classe, qui ont vite fini par faire la queue dans la cour de récré pour me consulter !

Je ne voulais pas faire de mon don un métier, je ne me présentais (et ne me présente) pas comme un medium, je n’ai jamais trop aimé ce mot.
J’ai suivi cursus court et exercer plusieurs activités pendant dix ans et j’ai fait de la musique, beaucoup de piano.
En vérité, je n’étais pas prêt.​

Puis un jour deux amies m’ont fait découvrir un médium qui passe à la télévision américaine et j’ai eu une révélation sur ce que j’étais : un canal entre le monde de l’au-delà et celui des vivants.

Désormais j’ai accepté d’aider les gens en leur transmettant des messages et je me nourris au quotidien du bien qu’il procure autour de moi.
Je délivre des gens de leurs peines, culpabilités ou interrogations, et c’est aujourd’hui mon moteur de vie.

Alors comme ça, déjà, presque rien ne vous est donné pour vous persuader de croire davantage en cette personne qu’en tout autre medium (même si en plus, elle s’isole de cette catégorie en rejetant le mot).

En fait, littéralement, ce que vous pourriez comprendre c’est que cette personne a ce don depuis l’enfance et en fait profiter les gens gratuitement depuis quelques années; gratuitement puisque cette personne se nourrit du bien qu’elle procure autour d’elle et n’écrit pas qu’elle vit de cette activité, ce qui serait très différent.

Si ce message vous qualifie, en tant que prospect, vous allez donc vous dire que cela s’adresse à un public qui a perdu un ou plusieurs proches, s’interroge, a besoin de communiquer avec et souhaite éviter les arnaques de gens qui se revendiquent medium sans don réel, le tout gratuitement puisque cette personne se nourrira de l’aide qu’elle vous aura apportée.

Comme son site vous propose plusieurs contenus, vous allez pouvoir regarder sa chaine YouTube, ses autres contenus et prendre rendez-vous.
Et là, on tombe dans le storytelling très mal géré
.

D’abord, la vidéo YouTube de présentation, automatiquement jouée aux personnes non abonnées, s’intitule “je suis medium”.
Aïe, il va falloir savoir, medium ou pas medium ?
La même chaîne diffuse des interviews données dans plusieurs médias et rejetant ce mot, l’incohérence est perturbante et va faire fuir du public.

Ensuite, la personne ne se présente pas comme faisant commerce de son don mais la majorité de ses contenus (YouTube mais aussi podcast sur son site) mettent son don en avant; même si ce n’était que par le biais de la monétisation, le temps consacré impose d’en tirer un revenu.
Ajoutons-y le fait qu’il y a un casting (donc le besoin d’un casting, donc trop de demandes pour le temps disponible) et on comprend que c’est bien un métier à plein temps.
Aïe une deuxième fois.

Mais cela ne signifie pas que ce soit le don directement qui soit monétisé, peut-être que ça ne coûte vraiment rien aux gens qui s’y intéressent ?
Hmmm, son livre n’est pas gratuit, il y a une billetterie sur son site pour ses spectacles (une trentaine d’euros la place) et les rendez-vous (qui aboutissent sans doute aux podcasts, d’ailleurs), sont payants.

Définitivement, rien ne colle.

Alors attention, soyons clairs, je ne prétends pas ici que cette personne cherche à arnaquer les gens (ça c’est un débat que vous pouvez suivre par là, en revenant quelques années en arrière), j’affirme en revanche que sa manière d’écrire son histoire et de créer son personnage repose sur des incohérences qui vont jeter un doute raisonnable dans l’esprit de la cible.

D’ailleurs, je pense que la différence serait extrêmement visible si on pouvait étudier le taux de conversion par le biais d’une vidéo YouTube et celui du site internet seul (une bonne occasion de rappeler que raconter son histoire peut aussi se faire indirectement, par des études de cas, des vidéos de témoignage, etc).

Que vous soyez totalement honnête ou pas, jouer uniquement sur la sympathie, l’émotionnel, c’est prendre le risque d’entrainer une réaction de rejet parce que vous ne délivrez rien de concret.
Et quand vous censurer les retours négatifs, c’est encore pire, soit dit au passage.

Alors comment faire, finalement, pour présenter un bon storytelling ?

Convaincre ou persuader : si finalement on admettait que la meilleure réponse consistait à concilier les 2 ?

En fait, vous connaissez déjà la réponse.
Lorsque nous avons parlé des 6 + 1 piliers d’un storytelling efficaces, vous avez bien vu que si nous reposions sur des piliers psychologiques et majoritairement émotifs, les arguments apportés pouvait effectivement être des arguments faisant appel à la raison.

Lorsque vous voulez convaincre de la sécurité apportée par votre solution, rien ne vous empêche d’invoquer une norme, lorsque vous voulez évoquer le gain en confort, rien ne vous empêche de produire une étude scientifique qui prouve ce que vous racontez.

Alors évidemment, ça trouve ses limites.
Si vous êtes medium et voulez en tirer un revenu fixe, vous allez difficilement pouvoir apporter des preuves scientifiques mais justement, là encore, le but du storytelling n’est toujours pas de vendre directement (c’est toujours le job du copywriting) mais d’écrire l’histoire dont vous êtes, ou plutôt votre don est, un personnage secondaire que l’on va désirer et qu’on va garder en mémoire.

A choisir entre plusieurs medium, choisirez vous cellui qui se présente comme différent des autres, doué depuis l’enfance mais a été longtemps mal à l’aise avec son don, ou cellui qui se met en avant via une vidéo dans laquelle iel n’apparaît pas directement mais seulement sous la forme d’une compilation de témoignages qui souligneraient concrètement tout ce qu’iel a apporté de bon aux gens ?

Et si vous pensez que cela ne s’applique qu’à de l’impalpable, du don, vous vous trompez, le même choix s’opère entre une personne qui vous dit qu’elle a convaincu des milliers de clients et une personne qui vous montre qu’elle a convaincu des milliers du client.
Dans le premier cas la personne vous raconte une histoire et dans le second, l’histoire vous raconte une personne.

Et c’est ça, le storytelling, l’art de raconter les gens, leurs projets, leurs travaux…
Le reste n’est qu’une auto proclamation sans valeur réelle qui va prêcher des convaincu.e.s.

Alors évidemment, tout le monde ne s’improvise pas expert à la première écriture.
Bien sûr qu’il va y avoir des ratés et c’est normal.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une manière simple de différencier une auto proclamation volontaire de celle qui relève de la maladresse.
Et cette manière simple consiste tout simplement à… être imparfait.e.

Pas nécessairement dans votre présentation directement (quoi que ça soit une bonne chose si vous affichez l’honnêteté comme l’une de vos valeurs fondamentales) mais à travers ce que les gens disent de vous et ce que vous laissez dire de vous.

Vous avez forcément échoué avant de réussir.
Vous avez forcément encore des sujets d’apprentissage puisque personne n’a la science infuse.
Vous avez forcément encore des interrogations.

Si vous ne pouvez ou ne voulez pas les mettre en avant, ça n’est pas grave; ce qui le serait, ce serait d’en censurer les témoignages.
Si vous empêchiez un client sur mille de dire qu’un jour vous avez merdé, que ça ne leur correspondait pas à 100%, que vous pourriez vous améliorer, vous clameriez alors que vous êtes parfait, détenez LA vérité et vous perdriez les gens qui ont un minimum de scepticisme.

Même avec l’expérience j’écris encore des textes qui sont imparfaits, lors de mes premiers jets mais pas seulement.
Comme je peux rater un plat que j’ai déjà cuisiné une centaine de fois auparavant.
Parce que nous sommes faillibles et que notre seule vraie erreur est de refuser de le reconnaître.

Alors ne cherchez pas absolument à convaincre ou persuader, cherchez à raconter votre histoire du point de vue de la personne qui a eu besoin de vous, quand vous étiez au mieux de votre forme comme au moins bon, en lui présentant les 6 à 7 aspects de la prestation ou du projet qui importe dans le fond, sans être trop technique, sans verser inutilement dans les émotions.

Le dosage est la clé, faire relire à plusieurs personnes votre histoire, également.
Amusez-vous, expérimentez (notamment avec le Carnav’Art) et partagez vos histoires pour vendre 🙂

Convaincre ou persuader : bonus !
L’histoire manquée du marketing de genre.

Il est encore commun de croiser des gens qui croient fermement que “le rose c’est pour les filles (et le bleu pour les garçons)“.
Mais il est moins commun de croiser des gens qui savent que historiquement… c’était l’inverse !

Remontons dans le temps, avant les interventions destructrices de Bernays, à l’époque où la place de la femme est encore au foyer, où elle n’a pas encore le droit de vote et où on a besoin de lui vendre des choses.
A cette époque là, les genres sont déjà associés à des couleurs.
Les couleurs chaudes, censées caractériser la fougue, la force et le dynamisme sont associées aux hommes.
Les femmes, plus douces, timorées, “cool”, écopent des couleurs froides
(ce n’est pas pour rien qu’on emploie un terme qui signifie “frais” dans sa langue natale).

Donc à l’origine, les hommes sont représentés à travers le rose et le rouge, là où les femmes s’imagent plus souvent en bleu ou vert.

Mais alors, que s’est-il passé ?
Tout simplement un désastre de storytelling qui, à trop vouloir persuader, a oublié de vérifier ce qu’il véhiculait comme histoire
.

On veut que les filles jouent à la dinette et à la poupée pour devenir de brillantes futures mères.
Jusque là, tout va bien dans la limite du sexisme ambiant.
Mais alors pourquoi diable a-t-il fallu qu’on leur associe la couleur rose ?

Dans les faits, l’association n’a JAMAIS eu lieu ailleurs que dans l’imaginaire de la clientèle.
Parce que le premier élément qui a été rose… c’était la tenue du poupon.
Et pourquoi donc ?
Parce qu’il fallait que ça soit un garçon.

N’oublions pas à quelle époque nous étions.
Le patriarcat qui sévissait (et sévit encore, de nos jours) passe notamment par la nécessité absolue de préserver et faire perdurer le patronyme.
De facto, il était souhaitable, autant que faire se peut, d’avoir un garçon comme premier né.

Et ainsi, pour bien pouponner, les filles DEVAIENT (impératif social) avoir un poupon garçon, donc habillé de rose.

Le problème, c’est que le storytelling n’a joué que sur l’émotif et le besoin de rentrer dans la norme, au risque de ne jamais expliciter, convaincre sur le besoin de représentation du “bon modèle familial”.
Il s’est donc passé ce qu’il devait se passer, une généralisation simple du propos : les jouets qui éduquent (conditionnent, si on est honnête) les filles, sont roses.

Et avec le temps, la généralisation a dépassé la question de la catégorie de produits jusqu’à créer une inversion profonde du marketing de genre, au point où nous avons aujourd’hui une “taxe rose”, évoquée pour parler de l’ensemble des produits dits “féminins”.

L’occasion pour moi de rappeler que les objets n’ont pas de genre et que sauf à avoir un usage très singulier de ces objets, ni votre sexe, ni votre genre ne devraient influencer vos achats.
Et si un discours vous propose de choisir sur ces critères là, sauf à parler de produits directement liés à la sexualité, il s’agira la plupart du temps d’une arnaque.

Un exemple extrêmement commun : les savons “d’hygiène féminine” qui se trouvent être des produits dangereux sur un plan sanitaire, encore plus depuis qu’on développe des gammes pour les “jeunes filles”.

Et si nous sommes sur ce blog pour parler storytelling et apprendre à rédiger des histoires pour vendre, cela ne doit pas effacer une réalité : un storytelling créé ou perçu sans esprit critique a minima “éveillé” est dangereux et peut amener à contribuer, même involontairement, aux pires escroqueries.

Convaincre ou persuader dans le but de raconter des histoires pour vendre de manière argumentée une vraie solution à un problème concret, c’est normal.
Mais si l’objectif de votre interlocuteur vous semble consister à user de tout et son contraire
non pour vous amener à acheter mais à croire que ce qui est mauvais pour vous est en réalité bon, qu’un secret absolu se cache dans l’univers et que vous êtes “l’élu.e” mais pour quelques minutes seulement, vous n’êtes pas dans un récit écrit pour vous mais un dogme pensé pour englober et asservir (au moins moralement / émotionnellement) le plus grand nombre.

D’ailleurs, je consacrerai sans doute une série d’articles à décortiquer avec vous des histoires créées dans des buts douteux.
Si vous avez des contenus en tête, des choses qui ont marqué votre esprit et dont vous voudriez que nous parlions ensemble, n’hésitez pas à les indiquer en commentaire (y compris des cas de storytelling utilisés en lieu et place du copywriting, vu que c’est malheureusement fréquent).

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